Un prêtre dans les camps

Jean Varnoux ou n° 63273

L’internement à Compiègne

Written By: CeMp

Le jeudi 9 mars, un appel. Mon nom retentit. Nous sommes cinquante-six à partir pour le centre de triage de Compiègne.

Appelé également “camp de Royallieu”, le camp de Compiègne est un centre de transit installé dans une ancienne caserne. Les internés sont par la suite déportés dans des camps de concentration et d’extermination.

Le voyage se fait en wagon de voyageurs : huit par compartiment. Un « Feldgendarme » se tient devant chaque porte. […] A la sortie de la gare de Compiègne, nous marchons pour la première fois « Zu funf », par cinq. Arrivés à la caserne de Royallieu, neuf Limougeauds restent ensemble […] Nous sommes logés au Block VII, dans la dernière grande chambrée. Nous y retrouvons des officiers de Périgueux […] Cinquante personnes en tout. Je m’appelais désormais le N°29026.

Royallieu préfigure les camps dans l’entreprise de déshumanisation: donner un numéro au détenu contribue à lui enlever son identité et sa dignité.
Les privations sont nombreuses. Les détenus ne reçoivent leur colis que si ils ont vécu un mois dans le camp et ne le reçoivent qu’une fois tout les quinze jours.
Certains détenus ont créé un comité clandestin pour rester solidaires, permettant de pallier aux difficultés liées à ces privations. Les détenus -pour s’entraider- donnent un dixième de leur colis (qu’ils reçoivent tout les quinze jours) au comité. Et donnent aussi leur nourriture pour servir à la préparation de la soupe du soir. Les limougeauds -comme l’abbé- ayant demandé à y participer ont été acceptés.

Au camps de Royallieu, Jean Varnoux cotoie des résistants, notamment des communistes:

Dans ce même block VII, nous attendaient quatre cents communistes arrêtés depuis longtemps certains dès 1941- livrés à la Gestapo par la police de Vichy. Tous avaient été condamnés par les « cours spéciales de Vichy » pour faits de Résistance et mis dans les Centrales de Poissy, Fontevrault, Melun ou Clairvaux. Rassemblés à la prison de Blois, ils furent livrés à la Gestapo en fin février 1944. Certains avaient été condamnés par des tribunaux allemands. Notre chef de chambre était un communiste nommé Latinus.

Le 10 mars un abbé dit à Jean Varnoux qu’il doit aller au Block I car le Block VII -occupé par des communistes- serait un milieu trop « pervers » (pour un curé). Jean Varnoux, estimant qu’un prêtre n’a pas un rôle à jouer dans un camp de prêtres, reste au Block VII pour accomplir ce qu’il pense être son devoir d’aider les autres. L’abbé met à profit l’expérience qu’il a connue dans sa paroisse saint-juniaude, habitée par de nombreux communistes.

Une entente s’installe entre les communistes et les catholiques ce qui fut très bénéfique à tous.

Vue générale du camp

Camp de Compiègne: convoi se dirigeant vers la gare, en partance pour Dachau (18 juin 1944)