C’est à Saint-Junien, ville communiste et anticléricale, que Jean Varnoux se met en tant qu’abbé au service de toute la population en aidant principalement les plus défavorisés, et en ne tenant pas compte de leur opinion.
Les raisons pour lesquelles Jean Varnoux est dénoncé est qu’il a caché des juifs pendant deux semaines et qu’il organise, avec Jean Melier, la propagande de “Témoignage Chrétien”. Jean Varnoux fait également chanter aux enfants des chansons contre les Allemands à la place de “Maréchal nous voilà”.
Son dénonciateur, un certain Marcel Boissou, est tué d’une balle dans la tête sur ordre du résistant Paul Lafontan. L’on découvre sur Boissou un carnet de dénonciation dans lequel figure le nom de Jean Varnoux.
En juillet 1943, un dentiste de St-Junien met au courant Jean Varnoux que la Gestapo le surveille et qu’il est même en tête d’une liste de suspects. A partir du 20 novembre Jean dort chez des amis. Il jongle entre les demeures de ses amis, y reste quelques jours et s’en va. Le 1er décembre les menaces s’étant apparemment apaisées, il décide de rentrer à Saint-Junien. Le 29 janvier 1944, dans cette ville, il est arrêté entre les célébrations de deux mariage, par un « couple »: l’homme est Joseph Meyer, chef du ”SD” (le service des renseignements dépendants de la SS) à Limoges. C’est un homme violent, qui a participé à l’organisation de rafles et qui aime torturer les détenus. Il en a peut-être même tué.
Il est conduit dans une Renault Juva 4 noire à Limoges. Jean Varnoux raconte dans le livre « Clartés dans la nuit » :
Finzler, le chauffeur, tient la porte arrière ouverte pour que je monte à côté de la femme. Meyer s’installe près du chauffeur. Je demande si je peux dire au revoir à ma mère et à M. le Doyen.
– Vous revenez ce soir!
et nous prenons la route de Limoges. Avant les Séguines, face à un petit bois, arrêt ! Meyer me fait descendre, soulève le siège arrière et sort trois mitraillettes.
– Ce sont des mitraillettes anglaises, des Sten, vous connaissez ?
– Je n’en ai jamais vu !
J’ai cru un court instant qu’ils allaient me faire entrer dans les bois … non, nous remontâmes dans la voiture. Dans la côte de Landouge je distingue, encore un peu loin, le camion de M. Dussoulier, transporteur à St-Junien. Profitant […] que ma voisine regardait le paysage, je baissai doucement la vitre à ma droite et, lors du doublage, criai très fort : «Au revoir Dussoulier !». Celui-ci rapporta le soir même, qu’il avait vu l’Abbé Jean Varnoux installé à côté de personnes inconnues, dans une Juva noire, et l’avait entendu crier : «Au revoir !». quant à moi, je fus sérieusement menacé de la Sten…
En fin d’après-midi, Jean Varnoux est incarcéré à la prison de Limoges.
Accusé à tort par Meyer d’être communiste, d’avoir assassiné des Allemands et d’être le chef du maquis, ce dernier le transfère, peu de temps après, au siège de la Gestapo de Limoges situé dans l’impasse Tivoli (l’actuelle impasse Saint Exupéry) afin de le soumettre à un premier interrogatoire. Meyer le menace de déportation en camp de concentration, camp d’où Jean ne devrait pas revenir…
De retour à la prison de Limoges, Jean Varnoux témoigne de l’alimentation qui lui était fournie:
Et Meyer me ramena au « Champ de foire » où je fus mis dans la dernière cellule, à droite, au premier étage. J’y restais cinq jours, seul avec mes pensées, un peu de pain et un verre d’eau chaque jour.
Seul dans sa cellule Jean Varnoux souffre de cette solitude et perd peu à peu le moral. Il déclare:
La solitude sans possibilité de prévoir l’avenir est quelque chose de terrible ! Ne rien savoir … mais être sûr que l’on ne reverra plus les siens ! … «se détacher» de Saint Junien, de cette population, et surtout de ces enfants à qui j’ai consacré ma vie… Ne plus avoir de lien avec la famille ou les amis… Je ressassais cela pendant quatre jours : le moral était au plus bas… Pendant deux jours je pleurais…
Le dimanche, dans l’après-midi, il reçoit la visite d’une amie, qui lui remet un colis provenant de sa mère ainsi que les pantoufles de son fils, elle apporte également, malgré l’interdiction, quelques vivres et du linge.
Le 2 février Jean Varnoux retrouve le moral, malgré les très mauvaises conditions de détention, il réussit à se faire une raison sur son sort:
Et soudain, le 2 février, la prière de mes amis porta ses fruits. J’acceptais mon sort. Que peut-on enlever à un homme qui se libère de tout, ne pensant qu’à une seule réalité: tenir pour revenir. Je compris ce jour-là que Dieu était près de moi et qu’il m’aiderait à tenir si j’agissais selon son amour, en servant mes frères de misère… C’était le jour de la Chandeleur ! […] Ce 2 février, je retrouvais mes esprits: «avant qu’ils me tuent, je leur résisterai le plus possible!»
Lors de son emprisonnement, dans sa cellule Jean Varnoux ne bénéficie que d’un lit en fer, d’un seau dit «hygiénique» en fer rouillé qu’il doit porter chaque jour au fond du couloir accompagné d’un gardien en armes; il doit rester tout le jour debout.
Le vendredi 4 février il est reconduit à l’impasse Tivoli avec trois compagnons. Dans la salle d’attente un homme a reçu tellement de coups que Jean Varnoux le prend pour un hydrocéphale.
Assis dans la salle d’attente, ils regardent les gardiens distribuer à leurs chiens : pain, beurre et chocolat… alors que les détenus n’aont pas mangé depuis six jours. Aux alentours de midi, il est conduit à un agent de la gestapo de Limoges, l’Hauptsturmführer Müller, terrifiant rien que par son aspect physique.
Müller est du même avis que Meyer et l’accuse, lui aussi, d’être un curé communiste. Il l’accuse également de faire parti du maquis, de participer à son ravitaillement et de fournir les jeunes sous sa responsabilité. Jean est soumis à une séance de torture:
Muller […] m’envoya une volée de coups de poings, (trente ou quarante, je ne pus compter), dans la figure. Je les reçus au garde-à-vous. Je ne suis pas tombé, évitant ainsi les coups de pieds. Il me fit sauter trois dents… Le lendemain je compris « l’hydrocéphalie » de notre compagnon. Muller était assisté de son interprète Finzler, le chauffeur qui était venu me chercher à Saint Junien. Pendant mon interrogatoire, Maurice Lombardin dit René Simon est entré; il parut bien au courant de « mon affaire » puisqu’il trouva fort plaisant le fait que j’affirme ne pas avoir fait de résistance. Muller me montra une signature connue au bas d’une déposition où figurait mon nom. Je pense que le jeune aurait donné mon nom devant les « insistances » de la Gestapo… pour éviter de donner celui de l’Abbé Ortiz mieux informé que moi sur la résistance l’Armée Secrète de Saint Junien.
Revenu sans plus de mal à la prison avec mes trois compagnons de chaîne, je pensais à la parole du Christ: «Lorsqu’on vous livrera, ne vous mettez pas en souci de chercher comment parler ou que dire: ce que vous aurez à dire vous sera donné à cette heure-là. Ce n’est pas vous qui parlerez c’est l’Esprit». Et Saint Luc ajoute: «C’est par votre constance que vous sauverez vos vies» … Le même soir, la tête lourde, dans la cellule 44, je repensais aux paroles de Luc. Je m’étonnais de mes réponses à Muller, malgré la peur qui me tenaillait.
Durant les jours qui suivent le contact avec Müller, les mauvais traitements et les interrogatoires persistent:
Le 25 février, deux hommes me firent sortir de la cellule et, dans le couloir, l’un d’eux me dit:
– Vous persistez toujours à dire que vous n’avez pas fait de résistance ?
Ce à quoi je répondis:
– Oui, Monsieur;
Il me fit retourner dans la cellule et, pour m’y aider, un caporal S.S. m’envoya un coup de pied au bas des reins accompagné d’un coup de poing dans la nuque… Je fus projeté dans les bras du capitaine… nous avons bien ri ! Et j’en conclus, que le Saint-Esprit comme promis, m’avait dicté les réponses que je devais faire à Muller. Je n’ai plus été interrogé!
Souvent, le capitaine [son compagnon de cellule] était convoqué par Meyer. Quelques fois, il était durement traité. D’autres jours, il revenait avec des gâteaux… qu’il avait « pris » pour moi. Froid et chaud : diverses manières de “faire avouer”…